Exposition
DE WARHOL A BASQUIAT
Après une première exposition « Ainsi soit-il », consacrée au photographe américain Andres Serrano, qui nous avait offert sa vision de la Chapelle du Rosaire de Matisse, suivie de l’exposition « Jalousies » réalisée conjointement avec l’artiste franco-algérien Adel Abdessemed et l’architecte Jean Nouvel, une troisième exposition est proposée par la Collection Lambert pour annoncer […]

Jean-Michel Basquiat Asbestos, 1981-1982, acrylique sur papier marouflé sur toile
282×272 cm. Donation Yvon Lambert à l’Etat français / Centre National des Arts Plastiques / Dépôt à la Collection Lambert © ADAGP
Après une première exposition « Ainsi soit-il », consacrée au photographe américain Andres Serrano, qui nous avait offert sa vision de la Chapelle du Rosaire de Matisse, suivie de l’exposition « Jalousies » réalisée conjointement avec l’artiste franco-algérien Adel Abdessemed et l’architecte Jean Nouvel, une troisième exposition est proposée par la Collection Lambert pour annoncer le printemps 2016.
« De Warhol à Basquiat» offre un voyage au cœur de la collection d’Yvon Lambert, où ces deux grandes figures tutélaires de l’art contemporain symbolisent les thématiques retenues dans cette nouvelle exposition : la peinture sous toutes ses formes, l’image, la représentation telle une icône moderne, l’instantané telle une vision de la mort, confrontées à des pratiques plus minimales qui définissent aussi le goût du collectionneur. L’attachement à Vence d’Yvon Lambert sera rappelé par une salle consacrée à Jean-Charles Blais, artiste exposé et collectionné dès le début des années 1980, si proche qu’il acquit par l’entremise de son galeriste une demeure sur les hauteurs de Vence à la vue à couper le souffle. Jean-Charles Blais sera associé à Cy Twombly, tous deux avaient été choisis pour l’inauguration de la galerie du Marais, rue Vieille du temple, ouverte en 1986, il y a tout juste trente ans.
Le Musée de Vence
L’exposition commence par une installation de l’artiste lithuanien Žilvinas Kempinas vivant à New York, Oasis, un mirage hypnotique composé d’une bande magnétique et du simple souffle d’un ventilateur. Les ellipses créées dans l’espace renvoient à des œuvres sur papier de Robert Mangold des années 1960, de Bruce Nauman des années 1980 ou des sculptures de Jonathan Monk des années 2000. Elles relient des œuvres phares du Land art et du passage de l’artiste dans le paysage (Richard Long, Rika Nogushi, Giuseppe Penone…). Avec la vidéaste finlandaise Salla Tykkä, la boucle est bouclée à travers ce jeune homme filmé alors qu’il joue torse nu à faire tourner son lasso à l’intérieur d’un salon, pendant qu’une adolescente l’observe secrètement du dehors, émue dans un paysage enneigé.
À l’étage, les œuvres de Jean-Michel Basquiat sont associées à des photographies d’Andy Warhol, ami et complice, et à des œuvres sur papier de Julian Schnabel qui a consacré un film sur Basquiat avec David Bowie dans le rôle du Pape du Pop art. Ce film sera diffusé en boucle dans une salle. Yvon Lambert a été consulté pour en écrire la fin, la mort de l’artiste par overdose à 28 ans ayant contrarié la construction du projet. Telle une marche funèbre, Julian Schnabel a filmé son acteur errant dans Manhattan, chaussé des sabots que Basquiat avait offerts à Yvon Lambert.
La mort qui rode est présente à travers la série mythique Electric Chairs qui revient tout juste du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, prêtée pour l’exposition « Warhol Unlimited ». On retrouve la menace de cette mort avec la jeune canadienne Liz Crimée qui se réapproprie la sculpture minimale de Tony Smith « Die » (Meurs), ainsi qu’avec le dessin d’un gisant d’Adel Abdessemed, et avec Jonathan Monk qui rappelle la tentative d’assassinat dont Andy Warhol fut victime en 1968. Valerie Solanas, militante féministe avait laissé à Warhol le manuscrit d’une pièce qu’elle avait écrite.
Frustrée de ne pas avoir de réponse, elle eut, ainsi, son quart d’heure (cynique) de célébrité en entrant dans la Factory munie d’un revolver.
La chapelle des Pénitents blancs
La chapelle des Pénitents blancs est à nouveau investie par la Collection Lambert, comme ce fut déjà le cas pour l’exposition « Jalousies », où Jean Nouvel avait fait entrer dans une chapelle chrétienne les archétypes de l’art de l’Islam, avec les arabesques filmées d’Adel Abdessemed, comme depuis des siècles dans des églises devenues mosquées ou inversement de Palerme à Istanbul en passant par Séville.
Cette fois, elle est dédiée à l’artiste américain Jonas Mekas, qui comme Kempinas, a quitté la Lituanie pour les Etats-Unis. Jonas Mekas fuit son pays d’origine à la fin des années 1930, parcourant l’Europe et arrivant à New York en 1949, pays où il est aujourd’hui considéré comme le père des films des avant-gardes. Il nous livre un film culte, On my way to Avignon, commencé en 1966, où sa caméra voyage de notre vieux continent au Pays de l’American Way of Life incarné par Jackie Kennedy qu’il surprend en deuil sur une plage, – encore une icône incarnée par le génie de Warhol. Enfin, pour boucler encore et encore la boucle, au cœur de la chapelle, François-Xavier Courrèges présente une installation circulaire, tendre et touchante où 19 jeunes hommes vous adressent des « Je t’aime » sur vingt moniteurs, le dernier étant sans image, pour que chacun imagine une image secrète de ses désirs.
Signe des temps et de la violence de l’hiver qui s’achève, nous avons tous besoin de douceur avant de préparer la prochaine exposition pour l’été consacrée à Robert Combas. Ce fleuron et trublion dont la Collection Lambert possède près de 200 œuvres dans ses réserves (peintures, œuvres sur papier, sculptures, livres). Un catalogue est également en préparation.
Eric Mézil – Directeur de la Collection Lambert et Commissaire de l’exposition