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Exposition

Paul McCarthy. Pirates Stew Pot

Durant cinq décennies, Paul McCarthy a développé une pratique artistique transgressive cherchant à parodier les hiérarchies sociales et les conventions culturelles ainsi qu’à défier les canons de l’art. La peinture, en particulier le symbolisme national et le machisme associés à l’expressionnisme abstrait, étaient à l’origine une cible de McCarthy qui utilisa des matériaux peu orthodoxes […]

Durant cinq décennies, Paul McCarthy a développé une pratique artistique transgressive cherchant à parodier les hiérarchies sociales et les conventions culturelles ainsi qu’à défier les canons de l’art. La peinture, en particulier le symbolisme national et le machisme associés à l’expressionnisme abstrait, étaient à l’origine une cible de McCarthy qui utilisa des matériaux peu orthodoxes tels que des fluides corporels et des aliments pour l’évoquer. Il s’est depuis fait connaître par ses oeuvres viscérales, souvent empreintes d’un humour subversif, réalisées dans une grande variété de médias. 

« Paul McCarthy. Pirates Stew Pot », l’exposition à la galerie Hauser & Wirth de Monaco, marque le vingtième anniversaire du projet Pirate de McCarthy. Ce corpus d’oeuvres, primordial dans sa production artistique, met en lumière son dévouement à ce thème qu’il a décliné dans de multiples domaines depuis 2001. Née de la fascination de Paul McCarthy et de son fils Damon pour l’attraction « Pirates des Caraïbes » à Disneyland, la sélection d’oeuvres comprend des sculptures, des dessins, des vidéos et des photographies et explore l’univers complexe du thème des pirates. Le monde des pirates de McCarthy est une allégorie de la société, qui met l’accent sur une série de comportements incontrôlés ou formes de résistance, allant de l’avidité effrénée, de la commercialisation galopante et de l’ostentation sociale au sadisme, à la perversion, à l’anarchisme et à la corruption. Vingt ans après sa création et dans le contexte actuel des conflits mondiaux l’oeuvre reste pertinente par la manière dont elle aborde les liens entre violence, dépravation et masculinité. 

L’exposition démarre là où le projet a débuté, avec une série de larges dessins de pirates tels que « Large Pirate Drawing (Poop Deck) » (Grand dessin de pirate (Dunette) et « Cut off the Lips » (Couper les lèvres) (2001). Ces oeuvres, selon McCarthy, mettent à nu les sources psychologiques de ce vaste projet sur le monde imaginaire des histoires de pirates. D’énormes feuilles de papier servent à rassembler les associations et à modeler les pensées sous forme picturale. En combinant le fusain, le crayon et le marqueur avec le collage, McCarthy étudie le flux d’images provenant du monde de la consommation et de l’industrie pornographique. Des oeuvres antérieures mènent à des manifestations ultérieures du projet dans des oeuvres telles que « Cake, Pig Island » (Gâteau, Île aux cochons) (2008). Immensément puissantes et chargées psychologiquement, les oeuvres sur papier de McCarthy abordent les conditions sociales en représentant et en manipulant des personnages archétypaux issus d’un monde d’illusion familier. « J’ai toujours lié le dessin et la peinture à l’action. En 2003, je travaillais sur une installation et une performance vidéo avec Damon, intitulée « Caribbean Pirates » (Pirates des Caraïbes), en référence à l’attraction de Disneyland du même nom. À cette époque, Bush avait envoyé des troupes en Irak, et « Caribbean Pirates » avait pour thème l’invasion. J’ai fait de grands dessins sur une table, et pendant que je les faisais je parlais constamment, comme une caricature, une exagération d’un pirate ». 

L’oeuvre vidéo « Caribbean Pirates », sur laquelle McCarthy a commencé à travailler avec Damon McCarthy en 2001, a également servi de point de départ à l’incursion de l’artiste dans le thème des pirates. Elle a été présentée pour la première fois lors de la grande exposition de l’artiste consacrée aux pirates, intitulée « LaLa Land Parody Paradise » (Paradis parodique de Lala Land), au musée Haus der Kunst de Munich en 2005. L’historien de l’art John C. Welchman décrit la vidéo comme « une exploration d’hommes seuls sur des bateaux » et affirme que « cette oeuvre clé, à mon avis l’une des plus importantes de Paul McCarthy à ce jour, propose de renverser les postures analytiques de l’ère postmoderne en commençant par une scène théâtrale plurielle et gratuite dans laquelle les valences extrêmes de l’autonomisation – torture, abus et dégradation – occupent le devant de la scène dans une allégorie parodique troublante du pouvoir instrumentalisé ». La vidéo à quatre canaux est structurée autour d’un réseau de mondes parallèles et d’événements troublants. Ceux-ci sont présidés par McCarthy lui-même, portant une prothèse de ventre, dans la peau du second du capitaine Morgan. En parallèle, l’exposition de Monaco présente une série de photographies prises lors de performances live, qui servent à la fois à documenter et à souligner l’aspect performatif du projet, tout en faisant partie intégrante du processus créatif. 

Cette présentation montre également des oeuvres sculpturales qui ont évolué à partir du thème des pirates et développé ses sous-intrigues, agissant comme une continuation de cet univers varié et performatif. Il s’agit notamment des sculptures de têtes de pirates « Pot Head », « Jack » et « Dick Eye » (2002), qui renvoient à différents personnages fictifs issus de la performance vidéo. Dans l’oeuvre de McCarthy, le marin et le pirate ont été des figures clés pour articuler la psychologie d’un monde hermétiquement fermé, dominé par les hommes, dans lequel les fantasmes remontent à la surface tandis que les barrières morales s’effondrent. La figure humaine, notamment à travers l’imagerie du corps grotesque, est une constante dans l’oeuvre de McCarthy, comme en témoignent ces sculptures en forme de buste. À travers les propres performances de l’artiste ou la panoplie de personnages qu’il crée, ses oeuvres visent à démolir la distinction entre la haute et la basse culture et à provoquer une analyse de nos croyances fondamentales. 

Utilisant des personnages et des objets ludiquement surdimensionnés, des sculptures telles que « Piggies, Painted » (Petits cochons, peinture) (2008/2018) et « Paula Jones, Painted » Paula Jones, peinture) (2007/2018) fusionnent le monde fantastique des pirates avec des personnages issus du monde réel de la politique, de la philosophie, de la science, de l’art, de la littérature, du cinéma et de la télévision. McCarthy décèle les traumatismes qui se cachent derrière le rêve américain, présenté comme un décor de théâtre de style Hollywood ou Disney qui a mal tourné, et il identifie leurs équivalents dans le canon historique de l’art. Une autre des têtes de pirate, « Shit Face » (2009/2017), est revisitée ici dans une version peinte plus tardive et illustre la manière dont les personnages aux membres mutilés et aux têtes caricaturales (souvent entaillées ou transpercées par des objets phalliques) apparaissent à plusieurs reprises dans ce corpus d’oeuvres.

Parallèlement à l’exposition, l’une des sculptures gonflables monumentales de l’artiste, « Daddies Tomato Ketchup Inflatable » (Papas gonflables au ketchup) (2007), sera installée dans les Jardins des Boulingrins, dans le centre de Monaco, à côté de la galerie, de la mi-juin au 27 août 2022, renforçant ainsi la préoccupation de McCarthy pour le paternalisme de la culture américaine. 

L’exposition célèbre également les « Caribbean Pirates » (Pirates des Caraïbes), un immense livre d’artiste en deux volumes de Paul et Damon McCarthy, paru en 2019. L’ouvrage détaille l’effort continu du « Pirate Project », un exemple acclamé de la pratique multidisciplinaire de McCarthy, à travers une documentation photographique et des images fixes de la performance, ainsi qu’un texte de l’artiste et un essai de John C. Welchman. 

Cet été, Paul McCarthy mettra en scène une série de performances avec l’actrice allemande Lilith Stangenberg, avec laquelle l’artiste collabore depuis plus de cinq ans sur des performances, des films et des dessins. Les performances sont organisées par Henning Nass et comprennent les événements « A&E / ADOLF & EVA / ADAM & EVE / HAMBURG » présentés au théâtre Deutsches SchauSpielHaus Hamburg, Allemagne, du 24 au 29 août 2022 et « NV / NIGHT VATER / VIENNA » au Volkstheater de Vienne, Autriche, du 3 au 7 septembre 2022.

 

© Paul McCarthy
Courtesy the artist and Hauser & Wirth
Paul McCarthy
Pot Head
2002
Silicone (silver)
84 x 91.5 x 84 cm / 33 1/8 x 36 x 33 1/8 in
Photo: Stefan Altenburger Photography Zürich