Née d’un désir de montrer des recherches autour de la peinture contemporaine, Lignes brèves (1) réunit quatre artistes — Agathe Dos Santos, Olivier Masmonteil, Anne Neukamp et Marine Wallon — qui exposent pour la première fois à la galerie Catherine Issert.
Une rencontre entre plusieurs générations de peintres, qui tous, réactualisent de possibles représentations du réel par le biais de la figure, du signe, ou de la trace. Des gestes picturaux fondamentaux, qui se nourrissent de nœuds référentiels mêlant des citations historiques à des vocables issus du cinéma, de la photographie et des médias numériques.
Comme le rappelle Tim Ingold, nous avons l’habitude de considérer l’activité humaine — ici, en l’occurrence le geste artistique —comme la traduction d’une idée en figure, l’imposition d’une forme sur une matière. Ce qui constitue notre habileté serait en réalité à voir comme un enchevêtrement de lignes : « celles que trace l’agent humain, bien entendu, mais aussi celles qu’il s’efforce de suivre et d’épouser au sein du matériau, celles qui orientent et rythment ses pratiques au sein d’un environnement (…). (2)» Guidée par cette observation anthropologique, l’exposition Lignes brèves propose de considérer l’œuvre de ces quatre peintres par le prisme de la ligne.
Pour Olivier Masmonteil, le travail de rayures colorées sur paysages induit une recherche de parcours, aussi bien du paysage que du regard. Chez Anne Neukamp, on note un appétit pour la ligne sous des formes diverses et synthétisées (bout de corde, d’anneau, de trombone, graphismes linéaires divers). Agathe Dos Santos aborde la peinture comme des tissages d’éléments différents voire opposés, auxquels elle redonne sens par un travail de juxtaposition. Le travail de peinture de Marine Wallon recherche quant à lui une économie de traits afin de capter la fugacité de l’instant pictural.
Un cheminement itinérant dans le champ du tableau, guidé par le travail gestuel du peintre, qui longe, traverse et surplombe sa surface plane pour construire sa composition.
(1) Titre qui fait référence à l’ouvrage Une brève histoire des lignes de l’anthropologue Tim Ingold (2007), trad. Sophie Renaud, Bruxelles, Zones Sensibles, 2011
(2) « Pour une écologie des lignes et des tissages », Yves Citton en collaboration avec Saskia Walentowitz, Revue des Livres, n° 4, mars 2012, p. 28-39.
AGATHE DOS SANTOS (Née en 1991, vit et travaille à Paris)
Agathe Dos Santos collecte des images dans le but de créer un langage presque encyclopédique de par son hétéroclisme et son exhaustivité. Elle travaille par associations, évoluant d’images en images, construisant, déconstruisant, se reposant sur le sens ou sur la matière, isolant ici un détail, le retravaillant parfois plusieurs fois, regroupant des fragments qu’elle transforme ou qu’elle transcrit et qui viennent, parfois au terme de plusieurs manipulations et réemplois, constituer des tableaux de matériaux variés. Ses tableaux sont souvent exposés avec l’ensemble des éléments et des étapes qui ont mené à leur réalisation. De fait chaque tableau au sein de l’assemblage est à la fois surface, contenant et contenu, fraction du réseau bien plus vaste de sa méthode de travail qui, offerte à notre regard, n’est pourtant jamais pleinement saisissable.
Olivier MASMONTEIL (Né en 1973, vit et travaille à St Ouen)
Olivier Masmonteil possède une manière unique d’interpréter le style français dont il revisite les genres picturaux : du portrait au paysage, des natures mortes aux vanités, il se réapproprie l’histoire de l’art pour l’interroger. Compilant, au sein d’une même toile, de multiples références transhistoriques et non hiérarchisées (allant de Courbet jusqu’à des motifs des années trente), Masmonteil questionne également le statut de l’artiste auteur contemporain. En effet, ces juxtapositions de signes et de figures sont le fruit d’un travail exécuté par ses assistants, qu’il coordonne : il revisite ainsi l’atelier académique à l’aune des usages du vingt-et-unième siècle. Catherine Issert a choisi pour cette exposition de présenter des œuvres récentes de Masmonteil, qui traitent particulièrement du thème du paysage.
ANNE NEUKAMP (Née en 1976, vit et travaille à Berlin)
Anne Neukamp collecte un ensemble de logos, schémas et lettrages contemporains qu’elle manipule pour créer des compositions épurées, rappelant par endroits le Pop Art. Manipulé, hybridé ou bien encore détérioré, le signe perd ici son efficacité fonctionnelle — sa fonction première de message — pour devenir motif, ne subsistant qu’en tant que fragment, trace ou silhouette. Anne Neukamp conserve cependant les propriétés numériques de ce vocabulaire graphique : elle imbrique ces motifs aux surfaces planes et aux lignes claires par des basculements de perspective illusionniste. Structurés par la composition picturale, ils se définissent alors comme arrière-plan ou comme figure. En résultent des œuvres oscillant entre surface et profondeur, qui intègrent avec finesse la communication contemporaine dans le champ pictural contemporain.
MARINE WALLON (Née en 1985, vit et travaille à Montreuil)
Entre mémoire, oubli et perte de repères, les œuvres de Marine Wallon ont pour origine des images prélevées, recadrées, issues de films ou d’archives de publicités vantant des destinations touristiques. Surgissement de couleurs et de matières, sa peinture miroite l’existence d’une nature plus ou moins domptée par l’humain. A la manière des Paésines, ces pierres à images issues du calcaire italien qui, une fois tranchées, composent des paysages à l’aspect ruiniforme, elle tranche dans la matière iconographique pour en extraire des images précises. Si elle conserve le point de vue cinématographique de ses captures d’écran, Marine Wallon en brouille les figures au moyen de larges coups de brosse pour composer des œuvres oscillant entre figuration et abstraction.