Déclics analogiques (1) Une exposition imaginée par Anna Patricia Kahn et Catherine Issert Dans une photographie de Jacques Henri Lartigue, la nounou Dudu lève les yeux au ciel pour suivre l’envol d’un ballon avant qu’il ne retombe au sol : apesanteur rendue visible par l’acte photographique. Ici, le geste relatif à la gravité est inspiré […]
Déclics analogiques (1)
Une exposition imaginée par Anna Patricia Kahn et Catherine Issert
Dans une photographie de Jacques Henri Lartigue, la nounou Dudu lève les yeux au ciel pour suivre l’envol d’un ballon avant qu’il ne retombe au sol : apesanteur rendue visible par l’acte photographique. Ici, le geste relatif à la gravité est inspiré par le jeu. Chez John M. Armleder, la représentation de formes rondes sur une toile résulte d’un mouvement minimaliste et conceptuel. Dans les deux cas, la rotondité et l’apesanteur se manifestent sur la surface.
Ce rapprochement cristallise les enjeux de l’exposition à quatre mains conçue par Anna-Patricia Kahn et Catherine Issert. L’une s’engage pour la photographie sous toutes ses formes, l’autre est aux côtés des peintres et plasticiens.
Elles ont conjugué leur savoir et leur passion pour réunir photographie et peinture.
Ainsi l’abstraction du photographe pictorialiste Alvin Langdon Coburn nous renvoie à la géométrie systématique et facétieuse de François Morellet dans les années 2000. Le photographe Philippe Halsman et le peintre contemporain Jean-Charles Blais ont-ils un rapport ? Mises en regard, leurs oeuvres révèlent des analogies formelles, donnant raison au cinéaste Robert Bresson qui écrivait: « Il faut qu’une image se transforme au contact d’autres images comme une couleur au contact d’autres couleurs (…) Pas d’art sans transformation. (2) » La comparaison mise en oeuvre ici redonne du relief et du sens.
Soudain, on saisit mieux les envols de stars qui résistent à la fixité photographique en sautant joyeusement devant l’objectif de Philippe Halsman. Ses modèles semblent emportés par une impatience de sortir du cadre que trahissent également les grandes enjambées des personnages peints par Jean Charles Blais. Les surprises qu’engendre le principe analogique valent surtout pour la force avec laquelle elles raniment les oeuvres associées. Rapprochées, celles de Tomasz Lazar et de Jean-Michel Albérola ou encore d’Eikoh Hosoe et de Kim Minjung « s’allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries » comme l’écrivait Mallarmé (3). Elles rentrent en résonance l’une l’autre, favorisant une acuité renouvelée du regard.
Par ces juxtapositions, la proposition interroge le vocabulaire artistique déjà bousculé par la photographie et l’art contemporain : clair-obscur, composition géométrique, opposition entre netteté et flou, opacité et transparence, abstraction et figuration. Il s’agit toutefois autant de ressemblance que de contrepoint, car au cours de leur développement en miroir, les deux disciplines n’ont cessé de se transformer mutuellement, de se répondre. C’est dans cet écart que se joue tout l’intérêt d’un dialogue complice.
(1) André Breton, « Signe ascendant », La clé des champs, éd Pauvert, 1985, p.114. Breton écrit : « Seul le déclic analogique nous passionne […] ».
(2) Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Gallimard, 1975, p.16.
(3) Stéphane Mallarmé, « Crise de vers », Variations sur un sujet in OEuvres Complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1989, p.366.
En partenariat avec :
CLAIR by Kahn
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