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Pourquoi marcher quand on peut danser, Exposition de Cécile Bouffard

Dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine, Ouverture exceptionnelle dimanche 22 septembre de 15h à 18h Samedi 21 septembre 2019 à partir de 15h : Atelier d’arts plastiques spécial famille Dimanche 22 septembre 2019 à partir de 15h : Atelier adulte (dès 16 ans) Inscription obligatoire par mail ou téléphone   Pourquoi marcher quand […]

Dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine,

Ouverture exceptionnelle dimanche 22 septembre de 15h à 18h

Samedi 21 septembre 2019 à partir de 15h :

Atelier d’arts plastiques spécial famille

Dimanche 22 septembre 2019 à partir de 15h :

Atelier adulte (dès 16 ans)

Inscription obligatoire par mail ou téléphone

 

Pourquoi marcher quand on peut danser. Pourquoi s’en tenir à la seule fonctionnalité des objets et des gestes ? Comment dépasser l’opposition entre l’utile et l’inutile ? L’art peut-il se fondre, se confondre avec la vie ? Le contact avec les œuvres que Cécile Bouffard a réalisées pour le Centre d’art contemporain Les Capucins nous invite à renouer avec un effort d’attention. Il nous faut prendre le temps de les considérer et de percevoir les intentions et les affects qui les traversent. Chaque ligne, chaque volume, est comme une pensée qu’il y aurait à entendre, et à laquelle destiner notre écoute.

Face à ces formes, peut-être sommes-nous gagnés par le trouble ou la confusion. Le regard qui dérive, s’attarde sur une courbe suggérant une anse ou une poignée, un potentiel usage ; et puis tel fil raconte la corde d’une guitare, et ce morceau de tissu rembourré nous enveloppe dans l’idée d’un confort élégant et douillet. Mais le bois enduit, poncé et peint semble être froid et dur comme du métal, le vrai dur semble mou, les lambeaux de latex ne savent pas nous dire s’il s’agit là d’une matière plastique ou organique. Les teintes des peintures, textiles et autres matériaux renvoient au fard, au cuir, à la chair, à l’os, un nuancier camé de l’épiderme. Pourtant, tout reste en suspens car les indices que les formes donnent sont sans cesse remis en jeu, déjoués. La métamorphose est permanente, et la forme peut à tout moment basculer de l’autre côté du familier, dans l’étrange et le bizarre, la gêne ou l’inconfort. En se maintenant à la lisière entre différents états, ces sculptures se tiennent là comme le champ des possibles. Cette indécision est vitale : c’est le signe d’une entrée en résistance, d’un refus de se laisser définir, enfermer dans une case.

Il y a des œuvres qui invitent à se nouer, et imaginer des manières d’être à plusieurs. Ainsi de ce triple-fauteuil, variation sur le motif du confident ou de la conversation, ou de ce groupe de diapasons qui semble s’accorder comme le ferait un chœur. Il y a des formes douces et organiques qui accueillent et font se rencontrer les points extrêmes de la Terre, qui les font avancer ensemble, comme « l’instinct aveugle, mais convergent et harmonique d’un essaim d’abeilles » (Proudhon, Propriété, 1840).

Il y a des figures virevoltantes, des sortes d’insectes ou de parasites, il y a des figures musicales, des formes lumineuses comme des lampions – et puis il y en a d’autres plus molles et plus lourdes aussi, moins enthousiastes, qui se laissent entraîner dans la ronde, ou simplement bercer par cette fête, happer par l’appel d’air. Mais quelle est cette folie qui semble avoir gagné le groupe ? Ça vacille, et la ronde ressemble soudain à une danse de Saint Guy, les matières capitonnées deviennent l’indice de la cellule matelassée d’un hôpital psychiatrique, et la scène semble tout droit surgir de la Nef des fous.

Juste à côté, la farandole se fige dans une bulle de savon, un temps suspendu. Un groupe de femmes s’échappe de cette frénésie, chacune porte une sculpture qui semble la prolonger, à l’instar d’un attribut. Elles apparaissent comme les muses d’une mythologie personnelle. Elles s’érigent en monde et disent : « Si je m’approprie le monde, que ce soit pour m’en déposséder aussitôt, que ce soit pour créer des rapports nouveaux entre moi et le monde. » (Wittig, Les Guérillères, 1969). Elles nous font sentir que tout pourrait être différent. Elles nous font deviner la brèche, et les virtualités à même les choses, à même nos vies.

Karin Schlageter