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Self Portrait, 1978 © the artist Courtesy of the artist and Project Native Informant, London

Exhibition

Hal Fischer, 18th near Castro Street

Dans le cadre de Manifesta 13 - Les Parallèles du Sud

Self Portrait, 1978 © the artist Courtesy of the artist and Project Native Informant, London

Inédite, et présentée dans le cadre de Manifesta 13 – Les Parallèles du Sud, la série 18th near Castro St. x 24 marque également la première présentation en France de l’œuvre d’Hal Fischer depuis Photography in California, 1945-1980, au Centre Pompidou en 1984.

Hal Fischer s’installe à San Francisco en 1975 – The City by the Bay est alors de plus en plus reconnue comme capitale emblématique de la culture gay (le terme LGBT n’existe pas encore). L’histoire militante de la ville est antérieure aux émeutes de Stonewall et à la création du mouvement moderne des droits des homosexuels. Figure emblématique de la photographie conceptuelle de la côte ouest américaine, Hal Fischer publie lors de la seconde moitié des années 1970 de nombreuses critiques dans ArtweekArtforum  et Afterimage constituant un témoignage influent de l’esprit émancipateur et de l’effervescence intellectuelle de la scène californienne. Influencé par l’approche critique de Lew Thomas (chef de file du mouvement informel Photography and Language) et Donna-Lee Phillips, il poursuit l’investigation d’un nouveau langage basé sur l’équivalence du texte et de l’image en s’inspirant des principes du structuralisme énoncés par Claude Lévi-Strauss. Il sera également influencé par Against Interpretation  de Susan Sontag (1966), The Structure of Art de Jack Burnham (1971), For a New Novel: Essays on Fiction (1965) d’Alain Robbe-Grillet ainsi que par la French Theory introduite aux États-Unis dans les années 1970. (1) Sur une période de trois ans, l’artiste initie un ensemble d’œuvres conciliant approche conceptuelle de l’image et du texte, et exploration personnelle de la vie urbaine à San Francisco.

En 1977, il présente lors de sa première exposition personnelle vingt-quatre photographies qui seront publiées par NFS Press (fondé par Lew Thomas et Donna-Lee Phillips) sous forme d’un livre d’artiste intitulé Gay Semiotics: A Photographic Study of Visual Coding Among Homosexual Men. Largement diffusé dans la communauté gay et le milieu de l’art, la série proposant un lexique d’attraction inspiré des expériences personnelles de l’artiste dans les quartiers de Castro et de Haight-Ashbury sera rapidement reconnue comme l’une des premières œuvres conceptuelles associant structuralisme et photographie. (2) De ce fait, Hal Fischer procède à la déconstruction de la photographie comme système de représentation appliqué aux stéréotypes d’identification, de visibilisation et/ou d’invisibilisation d’une communauté. Parmi les plus commentées, la série comprenant la sous-série Fétiches inventoriant certaines pratiques gay BDSM, Gay Semiotics: A Photographic Study of Visual Coding Among Homosexual Men, précède les premières réflexions de l’anthropologue américaine Gayle Rubin sur l’ethnogenèse de la sous-culture cuir à San Francisco et constitue à ce titre une contribution moins académique au domaine de recherche des Gay Studies. (3)

À travers 18th near Castro St. x 24 (1978), l’artiste poursuit son analyse de l’image avec l’introduction d’une nouvelle méthode d’enregistrement. Considérée comme une œuvre performative (a durational performance piece), la série se compose de vingt-quatre images d’un arrêt de bus situé à l’intersection de la 18th Street et de Castro Street prises toutes les heures sur une période de vingt-quatre heures à partir d’un point de vue fixe. Par la même, Hal Fischer subvertit l’illusion de l’objectivité photographique en associant les images à un texte objectif, théorique, autobiographique dont la dimension performative est celle d’un jeune homme aux revendications troublées par un rituel de séduction souligné par sa dépendance à l‘appareil photographique comme objet médiateur. Initiée sous forme d’installation murale en plusieurs parties, la série est publiée en tant que livre d’artiste par NFS Press en 1979, et sera ensuite présentée à l’occasion de Photographs and Words au San Francisco Museum of Modern Art, San Francisco en 1981 (aux côtés de Lutz Bacher, Peter D’Agostino, Lew Thomas et Donna-Lee Phillips) pour finalement être rééditée comme un ensemble de vingt-quatre tirages en 2019. (4) Donnant son titre à cette exposition organisée dans le cadre de Manifesta 13, la série inédite en France marque également la première présentation de l’œuvre d’Hal Fischer depuis Photography in California, 1945-1980, organisée au Centre Pompidou en 1984.

Hal Fischer (né en 1950, Kansas City) vit et travaille à San Francisco depuis 1975. Il débute sa carrière comme artiste et devient rapidement critique d’art. Il est membre fondateur de San Francisco Camerawork – l’un des plus anciens artist-run-spaces dédiés à la photographie aux États-Unis. Ses œuvres font partie de prestigieuses collections : Museum of Modern Art – New York, San Francisco Museum of Modern Art – San Francisco, Fotomuseum Winterthur – Winterthur, Los Angeles County Museum of Art – Los Angeles et J. Paul Getty Museum – Los Angeles. Parmi ses expositions récentes, notons : Hal Fischer, Gay Semiotics and other major works (Gallery of Modern Art, Glasgow), Thought Pieces: 1970s Photographs by Lew Thomas, Donna-Lee Phillips and Hal Fischer (San Francisco Museum of Modern Art, San Francisco) et Masculinities: Liberation Through Photography (Barbican Center, London, et Martin-Gropius-Bau, Berlin).

1- Hal Fischer en conversation avec Glyn Davis, organisé dans le cadre de l’exposition Hal Fischer Gay Semiotics and other work, GoMA, Gallery of Modern Art, November 2019 – Mai 2020.

2- Texte introductif à la série Gay Semiotics: A Photographic Study of Visual Coding Among Homosexual Men (1977) publié sur le site personnel de l’artiste.

3- Gayle Rubin est universitaire activiste fondatrice de Samois : la première organisation BDSM lesbienne de San Francisco. Elle mène des recherches sur la culture cuir depuis la fin des années 1970 procédant à l’examen d’une pratique non pas du point de vue d’une entité clinique ou d’une catégorie de psychologie individuelle mais plutôt comme une communauté sociale avec une histoire, un territoire, une structure institutionnelle et des modes de communication. Dans un entretien avec Judith Butler, elle fait mention de ces recherches ayant largement contribuée à son installation à San Francisco en 1978. Sexual Traffic, Entretien entre Gayle Rubin et Judith Butler, Differences: A Journal of Feminist Cultural Studies, 1994.

4- Photographs and Words, 24 Juillet – 30 Août 1981, co-curaté par Lew Thomas et Van Deren Coke, San Francisco Museum of Art, San Francisco, Archives San Francisco Museum of Art, San Francisco, USA.

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Visuel : Self Portrait, 1978 © the artist Courtesy of the artist and Project Native Informant, London