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CORALINE DE CHIARA, par Camille Paulhan – « L’atelier n’est que l’extension du cerveau »
“Je n’y peux rien, les ateliers m’émeuvent ; je voulais proposer pour thankyouforcoming des portraits d’atelier, des propos d’artistes glanés dans ces lieux, devant leurs œuvres. Il n’y est d’ailleurs pas forcément question de ces dernières, mais plutôt de ce qu’un atelier fait à la production artistique, de comment y travaille-t-on, comment y flâne-t-on.” Savoir, […]
“Je n’y peux rien, les ateliers m’émeuvent ; je voulais proposer pour thankyouforcoming des portraits d’atelier, des propos d’artistes glanés dans ces lieux, devant leurs œuvres. Il n’y est d’ailleurs pas forcément question de ces dernières, mais plutôt de ce qu’un atelier fait à la production artistique, de comment y travaille-t-on, comment y flâne-t-on.”
Savoir, au juste, si et comment la lumière spécifique de l’automne sur les carreaux, l’acoustique défaillante ou les odeurs du restaurant mexicain au pied de l’immeuble influent sur les œuvres que produisent les artistes.
Savoir, également, ce qu’on y écoute comme musique, quelles cartes postales ont été punaisées aux murs, si l’on marche sur des bâches, du papier bulle, des points de peinture ou des chutes de papier. Y voir, aussi, les para-œuvres, les infra-œuvres, les pas-tout-à-fait-œuvres, les plus-du-tout-œuvres, et être donc au cœur du moment du choix.
Je n’avais pas très envie qu’apparaissent mes questions, elles se sont donc effacées.

Coraline de Chiara, Vue d’atelier, 2016

Coraline de Chiara, Fictions en conflit, 2016 Huile sur toile, 250×200 cm Photo : C. de Chiara
CORALINE DE CHIARA, par Camille Paulhan
« L’atelier n’est que l’extension du cerveau »
L’atelier de Coraline de Chiara, « le Celsius » est situé au Pré-Saint-Gervais : au mur, dans l’escalier, un thermomètre fixé au mur rappelle discrètement l’appellation intrigante du lieu tout autant que la température ambiante, moyennement élevée. Comme dans de nombreux ateliers de peintres, la hauteur sous plafond engage vivement au porter de plaid, vêture peu seyante mais fort pragmatique.
Coraline de Chiara partage son atelier, situé au premier étage d’une petite maison qui accueille également au rez-de-chaussée d’autres créateurs, avec un autre peintre, rencontré lors de ses études. Ce qui frappe d’emblée, dans l’espace qu’elle a choisi, ce sont les plantes vertes en pot, qui cohabitent avec les pinceaux, chiffons et pigments. Puis l’immense bureau, où se croisent des dizaines de petits objets, en plus des outils dont elle se sert pour ses collages et ses dessins et des livres, nombreux : pierres, kaléidoscopes en tout genre, bibelots choisis pour l’étrangeté de leurs formes. Enfin, la présence imposante de nombreuses œuvres en cours de réalisation, Coraline de Chiara se refusant à ne travailler qu’un médium à la fois. Ce sont, dans un coin, les petits dessins recouverts d’une cire qui vient opacifier leurs motifs ; plus loin, les collages en cours d’encadrement, et au mur une bonne quinzaine de peintures de tous les formats. Certaines sont monumentales, comme cette immense toile où l’on reconnaît, reproduites au pinceau large comme si elles étaient imprimées en quadrichromie, les colonnes antiques de Palmyre, à la limite de leur évanouissement. D’autres sont plus discrètes, notamment une série de petites toiles qui paraissent abstraites mais ne disent finalement pas autre chose : l’image s’y cache toujours, mais masquée, fondue, comme une empreinte qui pourrait réapparaître à tout moment. Une figuration suggérée qui apparaît d’autant plus vivement sur les murs, recouvert de traces de peinture, vestiges des épaves de bateau que Coraline de Chiara peint actuellement, estompées par des brosses plates.