Exposition
ROUE LIBRE
« Maintenant tu appuies sur l’embrayage. Tu coupes la transmission de l’élan. Tu entres en roue libre. Tu n’es plus entraîné. Tu n’es plus dirigé. Tu n’es plus contrôlé. Tu es libre d’avancer… Le temps d’épuiser la force restante… » Encore une fois, elle était montée dans un train pour aller à Monaco, un train souvent numéroté 881107, […]
« Maintenant tu appuies sur l’embrayage. Tu coupes la transmission de l’élan. Tu entres en roue libre. Tu n’es plus entraîné. Tu n’es plus dirigé. Tu n’es plus contrôlé. Tu es libre d’avancer… Le temps d’épuiser la force restante… »
Encore une fois, elle était montée dans un train pour aller à Monaco, un train souvent
numéroté 881107, 86011 ou 881109, un TER PACA, une région où la ponctualité des trains est plutôt un coup de chance.
– « Combien de fois ai-je pris ce même trajet et combien m’en reste-il encore à faire ? »
s’était-elle demandée en jetant un dernier coup d’œil sur la mer Méditerranée avant que l’obscurité du tunnel ne la dévore.
C’était l’été dernier, fin juin, après le diplôme, avant le tout et le rien.
Le tout et le rien.
L’idée que « tout est possible mais rien n’est certain » l’intriquait, l’angoissait, lui pesait mais en même temps la fascinait, l’excitait, la poussait à oser prendre n’importe quelle direction… À cette époque, elle s’était mise à écouter en boucle les albums de Bob Dylan :
« How does it feel ?/ How does it feel ? / To be on your own / With no direction home / A complete unknown / Like a rolling stone? »
Elle sentit l’arrivée en gare de Monaco. Elle pensait y distinguer les particules d’air d’une propreté à la fois enivrante et oppressante. À peine descendue du train, elle fut engloutie par une foule se précipitant vers la sortie.
– « La sortie ? Mais où se trouve “ta” propre sortie ? La cherches-tu vraiment ? »
Elle se parlait à elle-même, d’une voix quasi-inaudible, intimidée devant cet interrogatoire qu’elle s’était infligée. Pourtant, un désir latent, profond, inavouable, de se laisser aller, de se perdre et de se retrouver, prit rapidement le dessus.
En se posant ces questions, elle réalisa que le dernier aller avait été effectué. La perspective de ce trajet, inlassablement recommencé, avait pris fin, irréversiblement.
Jo Te-Jung Chen
Artistes : Fanny Lavergne, Remi Lesterle,Tristan Ligen.
Auteur-commissaire: Jo Te-Jung Chen.
Exposition du 28 mai au 26 juin 2016
Vernissage le 27 mai 2016 à 18h
Nocturne-finissage le 25 juin de 18h à 22h.